« More Than Meets The Eye » – Yodelice, L’interview.

« More Than Meets The Eye » – Yodelice, L’interview.

 

« Tout le monde dans la vie a son masque, son clown. »

Aujourd’hui je suis Carrie Bradshaw. Enfin, son pendant musical. Les Louboutins en moins, les ampoules en plus, la ventoline dans une main, le stylo dans l’autre. Je hèle un métro (pour des restrictions budgétaires, pas de taxis dans ce remake imaginaire). Et si le masque est suffisamment bien ajusté, personne ne décèlera mes mains moites, ni mon articulation aléatoire (« euh vous pouvez répéter la question ? »). C’est pas comme si c’était ma première interview hein ? Ben… Si.

En r’tard, en r’tard, j’ai rendez- vous quelqu’part. Et pas avec n’importe qui. Un grand ténébreux avec la larme à l’œil, mais je suis sûre qu’il ne va pas me manger. Me voilà devant la porte. Ma boom box s’affole… Yodelice m’attend.

Breathe in and Breathe out.

J’ai gravi les marches de cet escalier, j’aurais pu m’évanouir 10 fois- Ah le ‘vertigo’ comme le chante si bien U2… Et surtout je savais qu’à l’étage il y avait un mec que je respecte énormément. Il fait de la musique tout comme moi je choisis mes mots: avec son cœur.

Je ne pourrais même pas vous dire comment il était habillé, ou la couleur de son chapeau (je mens, il était gris). Je ne pourrais même pas retranscrire la sincérité dans ses yeux ni son sourire, et pourtant s’il n’y avait qu’une chose a retenir ce serait celles là. Un mec bien dans sa musique qui a mis son cœur sur la table. Je n’ai pas passé une demi heure dans un resto parisien, j’ai voyagé une après midi avec lui.

Rencontre.


>> Pourquoi avoir appelé l’album Cardioid ? Qu’est ce que ça représente pour toi ?

/ C’est un mot qui s’est imposé comme une évidence sur ce disque. C’est un mot que j’ai toujours aimé et que j’emploie souvent, puisque c’est un type de micro, les micros dits « cardioïde ». Et donc ce que j’ai aimé c’était le paradoxe entre ce truc très mathématique, d’un micro cardioïde et sa courbe géométrique qui forme un cœur. Et en fait comme j’ai écrit pas mal de chansons sur les routes (à l’époque où Yodelice n’avait pas de batteur), des chansons comme My Blood Is Burning, je les ai écrites avec ma grosse caisse [il tape pour reproduire le son] donc qui marquait une espèce de pulsation comme ça, une pulsation cardiaque. Et j’ai aimé dans Cardioid son coté un peu scientifique, presque laboratoire un peu comme ce disque, qui est quand même un disque expérimental.  Donc voilà c’était un mot que j’aimais, j’en ai parlé aux garçons. Et quand il n’y a pas de débat, c’est que c’est une évidence.


>> J’ai lu dans plusieurs interviews que ton précédent album avait été composé en 2 temps, est-ce que ça a été différent pour Cardioid ?

/ Oui bien sur, en fait, tout était différent sur Cardioid. Le 1er album était extrêmement personnel, très intimiste, mélancolique, introspectif, nostalgique. Ca ne veut pas dire que celui-ci est beaucoup plus gai, mais celui-ci est déjà beaucoup plus collectif, puisque ce sont tous mes camarades de scène, que j’ai amené avec moi enregistrer ce disque. Ce sont des chansons que j’ai écrit sur la route donc  forcément avec une énergie toute différente, avec l’énergie du public, l’énergie de la scène.


>> Tu as écrit toutes les chansons  sur la route ? Il n’y a en a pas une qui fasse exception ?

/ Si, la seule que j’ai écrite à Los Angeles, c’est Monkey’s Evolution.


>> Selon toi, est-ce que chaque chanson raconte une histoire ou faut-il plutôt prendre l’album dans son ensemble ?

/ Non je le vois toujours comme un ensemble. En fait Tree Of Life m’a vraiment ouvert l’esprit sur l’entité globale d’un disque. J’essaie toujours de raconter une histoire, de proposer un voyage. Cardioid est un voyage beaucoup plus tortueux, pas qu’il soit beaucoup plus torturé, mais il y a un coté plus urbain. Beaucoup plus expérimental, dans le lâcher-prise. Il y avait des moments de live (on a enregistré beaucoup live en studio),  et donc des moments d’imprévu, des moments d’accidents que finalement j’ai laissé.


>> Quoi comme accident par exemple ? Sur une chanson en particulier dans l’album ?

/ Je sais pas, Experience par exemple. C’était pas prévu de partir presque Jungle avec la batterie [il imite les pulsations] qui se dédouble à un moment comme ca. Et Fleming le batteur qui était avec nous en studio est parti là-dessus, moi j’étais au piano, je lui ai fait signe de continuer, et là  je me suis lancé dans truc presque Hip-Hop avec ce piano [chante la partie piano], et Seb avec son violoncelle est parti sur une grosse base Dub [imite le violoncelle], on s’est éclatés! On a voulu laisser tourner ça et ça se termine un peu comme un château de carte qui s’effondre.


>> Vous l’avez donc fait en une seule prise celle là ?

/ Oui voilà! Après pour être tout à fait honnête on a juste additionné les cuivres. Les cuivres n’étaient pas là au moment de l’enregistrement, mais à part ça tout est live sur cette chanson.


>> On sent sur cet album plusieurs influences, parfois pop/rock, parfois expérimental. Est-ce que c’était déjà défini au départ ou est-ce que ça s’est imposé à toi au fur et à mesure de la réalisation de l’album ?

/ En fait avec Yodelice, je ne peux pas vraiment penser en termes de couleurs, de styles. En plus le mot clé de cet album c’était le lâcher-prise, donc rien n’a vraiment été réfléchi en amont. Je savais juste que j’avais toute une série de chansons (parce que j’en ai écrit plus d’une trentaine, même s’il n’y en a que 9 sur le disque) et que je voulais proposer une voyage différent; maintenant je n’avais pas vraiment l’ idée de ce que je voulais proposer tant que ce n’était pas fait. Et donc voilà j’ai du mal à identifier Yodelice par rapport à une entité déjà existante, ou un style ou une case. Je n’ai pas envie de m’enfermer dedans, tu vois ce que je veux dire ?

 

 

>> Tu dis avoir enregistré une trentaine de chansons, alors pourquoi en as-tu seulement proposé 9 sur l’album ?

/ Parce que j’aime les albums courts, j’aime garder l’essence même en fait, comme un parfum où tu vas compresser les épices, tu vas compresser les fleurs, compresser tout ce que tu peux compresser pour finalement obtenir une toute petite fiole d’une essence, et c’est comme ça que je le vois. Après il y a des chansons très jolies, qui pourront exister dans le temps, plus tard, mais qui là soit étaient redondantes par rapport à des chansons qui étaient déjà sur le disque soit qui n’apportaient rien au voyage. Et donc mettre de la chanson pour ‘mettre de la chanson’ c’est un truc qui se sent, en tout cas moi en tant que consommateur de musique je le sens quand c’est le cas. Et je n’ai pas envie de faire ça, j’ai toujours voulu que Yodelice soit un projet intègre et de rester dans cette intégrité, d’avoir l’essence même d’un truc qui soit en accord avec moi au moment où je le propose.


>> Tree Of Life traitait de la nostalgie de l’enfance, des désillusions, quels thèmes as-tu voulu aborder à travers Cardioid ?

/ J’ai voulu aborder Le lâcher-prise, la sexualité, et l’expansion des sens.


>> On le sens moins mélancolique, du moins dans les sons je le trouve plus enjoué mais en regardant les textes de plus près on se rend compte que c’est toujours aussi « dark ».

/ Il est plus dynamique surtout, plus énergique. Pour ce qui est des textes, c’est ma façon d’écrire quelque part, je n’y peux rien.


>> Peux-tu nous parler un peu du 1er single  « More Than Meets The Eye » ?

/ More Than Meets the Eye est une chanson que j’aime beaucoup, qui donne une sexualité a Yodelice, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent car Yodelice était un personnage un peu asexué. C’est une chanson un peu légère où il parle d’une rencontre, d’un fantasme.


>> Lors de tes précédentes dates, on a pu entendre plusieurs morceaux du nouvel album, était-ce une manière pour toi de les tester sur le public ?

/ Non. Non je me teste moi, je teste mes camarades, je teste Yodelice, je teste si ces chansons on arrive à les interpréter avec le cœur ou s’il y a un truc qui cloche, qui est en décalage avec qui on est. Tous les publics sont différents. S’il y a bien un truc que les tournées m’ont appris, c’est que parfois on fait le même set a un endroit, les gens sont en réaction à outrance et d’autres où le public est beaucoup plus réservé et à l’écoute. Je n’aime pas cette image de « tester » un truc car ce n’est pas un produit, c’est ce que j’ai au fond de moi alors c’est plutôt moi que je teste en essayant les chansons sur scène.


>> J’ai remarqué que certaines chansons (Breathe In, Wake Me Up ou encore My Blood Is Burning) ne sonnent pas pareil en studio qu’en live. Est-ce que la version live a influencé la version studio ou est-ce l’inverse ?

/ Alors c’est très étrange, parce que c’est la 1ere fois que je fais ça : pour Tree Of Life j’ai dû adapter le disque, le réarranger sur scène. Et là il y a des trucs qu’on faisait sur scène, et qui ne marchaient pas en disque, on l’a joué exactement comme on l’a joué sur scène et ca faisait groupe de rock [il fait la grimace]. Il n’y avait pas d’originalité, et du coup il a fallu réinventer certaines chansons pour qu’elles puissent exister dans l’image que j’avais de ce disque, c’est-à-dire d’une manière beaucoup plus alternative.


>> L’album comporte un duo (Five Thousand Nights) avec une voix féminine qui plus est. Tu as voulu surprendre ?

/ Oui, il y a d’ailleurs beaucoup de changements, dans le nouveau live il y a même Sébastien qui chante une chanson, Monkey’s Evolution. Pour parler du duo, oui j’aime surprendre, on n’est pas à l’abri de faire un album instrumental ou encore un album où quelqu’un d’autre chante tout l’album. J’aime la création, j’aime le partage artistique, j’aime collaborer, j’aime m’enrichir. Je ne me considère pas comme un chanteur, j’aime bien l’idée d’être un chef d’orchestre et de réaliser des patchworks de trucs totalement improbable : de gens qui chantent qui sont pas chanteurs, de mettre du violoncelle dans des trucs qui doivent être joués par une guitare électrique. Enfin voilà j’aime bien ca, j’aime les collaborations artistiques, et je pense que Yodelice tend vers ça quoiqu’il arrive. Yodelice à la base c’était ce petit clown, et maintenant c’est Yodelice, Monsieur Grandgambe, Xavier Caux, Simone, et Massimo.


>> Justement j’ai vu que tu avais enrichi la troupe de 2 nouveaux éléments (Massimo et Simone), comment t’es venue cette idée?

/ C’était une envie, c’est l’histoire de ma vie, quand on est artiste je pense qu’on aime collaborer avec d’autres artistes, on aime trouver en l’autre un miroir artistique, on aime s’enrichir, on aime tout ça quoi.


My blood is burning, lala lala lala.
Je suis repartie apaisée comme si j’avais été happée dans une bulle de savon; ma boîte à idées pleines de secrets. J’aurais pu l’écouter me parler de musique pendant five thousand nights. Me taire et apprendre. Parce qu’en plus d’être passionné, Yodelice a du vécu, et ses chansons en témoignent. Cette journée reste à l’image de ma chanson préférée de l’album: une Picture Perfect en somme.

 




Vibrez aux sons de Cardioid déjà dans les bacs. Ils repartent sur les routes dès ce mois-ci, et ce jusqu’en 2011. Toutes les infos sur le site officiel (enfin !): www.yodelice.com

Ps : message subliminal à l’intention d’un grand barbu : remettre Noise dans la setlist serait une grande idée 😉

1 commentaire
  1. Elise says:

    Bonjour,
    Merci pour cet article! On sent la passion et la sincérité de Yodelice.
    Je viens d’aller le/les voir une deuxième fois, c’était juste une tuerie! C’est bon de voir un groupe qui vit autant sa musique et qui prend un plaisir monstre sur scène.
    Les deux nouveaux membres sont là comme s’ils l’avaient toujours été.
    Le lâcher prise lui va super bien! On en redemande encore!!!
    Elise.

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