Et si le bonheur au travail ne tenait qu’à une journée en moins ? Une idée un peu utopique ? Pas si l’on en croit l’expérience islandaise, qui semble avoir trouvé le parfait dosage entre efficacité professionnelle et épanouissement personnel.
Travailler moins pour vivre mieux : un pari audacieux
C’est en 2015 que l’Islande a fait un pari que beaucoup jugeaient risqué : réduire la durée de travail hebdomadaire sans baisse de salaire. Un test grandeur nature, mené avec 2 500 salariés (soit 1 % de la population active), avait pour objectif d’évaluer les effets d’un semaine de 36 heures, répartie sur quatre jours, au lieu des traditionnelles 40 heures.
Autant dire que les doutes étaient nombreux. Chute de productivité, surcharge pour les entreprises, désorganisation des services… Les préjugés ne manquaient pas. Et pourtant, la réalité a fait taire les sceptiques.
Une productivité au rendez-vous (voire mieux)
Contre toute attente, la productivité n’a pas baissé. Mieux encore, certains secteurs ont vu leurs performances s’améliorer. Pourquoi ? Parce qu’en allégeant la charge horaire, les salariés ont aussi gagné en efficacité et en concentration. Moins de fatigue, moins de stress, et un moral en hausse ont transformé leur rapport au travail.
À cela s’ajoute un effet secondaire des plus salutaires : une nette amélioration de la santé mentale. Selon l’OMS, les troubles liés au stress professionnel ne cessent d’augmenter en Europe. En Islande, la semaine raccourcie semble avoir mis un frein à cette tendance, en redonnant du temps à chacun pour… vivre.
Une avancée sociale à plusieurs visages
Autre bonne surprise : cette réforme a permis de rééquilibrer les rôles dans la sphère familiale. En passant moins de temps au bureau, les hommes ont davantage participé à la vie de la maison. Résultat ? Moins de charge mentale pour les femmes, plus de partage des tâches, et une parentalité plus investie de part et d’autre.
Loin des modèles comme celui de la Belgique, qui impose de compenser les jours chômés par des journées plus longues, l’Islande a choisi de ne pas rallonger les autres journées, misant sur une réorganisation du travail rendue possible notamment grâce aux outils numériques.
Car oui, un des piliers de cette réussite, c’est aussi le numérique. Avec une couverture internet exceptionnelle, même dans les zones rurales, le pays a permis aux salariés de télétravailler efficacement, allégeant les trajets et les contraintes logistiques.
Quand la jeunesse anticipe l’avenir
Il faut aussi souligner un point important : cette révolution du temps de travail a été portée par la jeune génération. Pour beaucoup de Gen Z, l’idée même de travailler 40 heures par semaine sans équilibre personnel semblait dépassée. Leur appel à un monde du travail plus souple, plus sain, n’était donc pas qu’un caprice générationnel, mais une anticipation visionnaire de ce que pourrait (et devrait ?) devenir le travail.
Et ce modèle inspire : le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Allemagne ou encore le Portugal ont lancé leurs propres expérimentations. Des politiques souvent encouragées par des chercheurs en santé publique et des économistes, qui voient dans ce changement un levier à la fois pour le bien-être collectif et la performance économique.
Une société qui respire mieux
Aujourd’hui, 90 % des travailleurs islandais bénéficient d’horaires réduits. Et les retours sont unanimes : plus de temps pour soi, sa famille, ses passions. Moins d’épuisement, plus d’engagement. María Hjálmtýsdóttir, enseignante, résume l’état d’esprit général : “Moins de stress, plus de joie au travail, et surtout, plus de vie en dehors du travail.”
Certes, des débats politiques persistent, notamment autour d’une possible adhésion de l’Islande à l’Union européenne. Mais sur un point, tout le monde semble s’accorder : cette nouvelle vision du travail est une réussite.
Et si, à l’image de l’Islande, on arrêtait de mesurer la valeur d’un employé au nombre d’heures passées au bureau ? Peut-être qu’enfin, le bien-être pourrait cesser d’être une option pour devenir… une évidence.