Capable de se camoufler en un clin d’œil et de se faufiler dans les moindres recoins, la seiche est un animal marin bien connu pour ses talents de chasseur. Mais récemment, une expérience a révélé un autre aspect étonnant de son intelligence : elle sait faire preuve de patience, au point de réussir un test psychologique… initialement conçu pour des enfants.
Le test du marshmallow, version sous-marine
Inspiré d’une célèbre expérience menée dans les années 1970, le « marshmallow test » consistait à proposer à des enfants un choix simple mais révélateur : manger une friandise immédiatement, ou attendre un peu pour en recevoir deux. Ce test, qui mesure la capacité à différer la gratification, est devenu un indicateur clé de maîtrise de soi et de maturité cognitive.
Les chercheurs ont adapté ce test à la seiche commune (Sepia officinalis). À la place des friandises, ils ont utilisé deux types de nourriture : un petit encas peu apprécié et une crevette très convoitée. Les deux aliments étaient placés derrière des portes transparentes marquées de symboles, que les seiches devaient apprendre à reconnaître.
Des résultats étonnants pour un animal marin
Contre toute attente, les seiches ont rapidement compris qu’attendre leur permettait d’obtenir la crevette. Elles ont montré une capacité à rester immobiles, refusant la première tentation, pendant des durées comparables à celles observées chez certains singes ou oiseaux très intelligents.
Ce comportement implique une anticipation du futur, et donc une forme de planification mentale, considérée comme un signe d’intelligence avancée. Et ce, chez un animal sans squelette, ni structure sociale complexe, et avec un cerveau très différent du nôtre.
Pourquoi une seiche aurait-elle besoin de patience ?
Contrairement aux primates ou aux corbeaux, les seiches ne vivent pas en groupe. Leur capacité à différer une récompense n’est donc pas liée à des codes sociaux ou à une coopération au sein d’un groupe. Selon les scientifiques, cette aptitude s’expliquerait plutôt par leur mode de chasse.
La seiche est un prédateur d’embuscade. Elle se fond dans le décor, attend le moment parfait pour attaquer… et ne se précipite jamais. Cette stratégie de chasse exige une maîtrise de l’impulsivité et une grande capacité d’analyse visuelle. Ce test montre que cette patience n’est pas qu’un réflexe : c’est une véritable compétence cognitive.
Une nouvelle vision de l’intelligence animale
Cette découverte vient bousculer les idées reçues sur l’intelligence. Jusqu’ici, on pensait que la capacité à faire preuve de retenue était réservée aux animaux sociaux et dotés de gros cerveaux, comme les humains, les éléphants ou les perroquets. Or, la seiche, qui appartient aux céphalopodes, prouve qu’un cerveau très différent peut développer des fonctions tout aussi complexes.
Cela ouvre des pistes passionnantes pour comprendre comment l’intelligence évolue en fonction de l’environnement, et comment différentes espèces s’adaptent à leur mode de vie avec des outils mentaux uniques.
Une espèce menacée malgré ses facultés impressionnantes
Malgré ses capacités remarquables, la seiche fait face à de sérieuses menaces. Le réchauffement climatique, la pollution des océans et l’acidification de l’eau liée au CO₂ affectent son développement, tout comme celui de nombreuses espèces marines.
À cela s’ajoutent la surpêche et la destruction des habitats marins, qui touchent notamment des espèces emblématiques comme la grande seiche australienne (Sepia apama). Protéger ces animaux, c’est non seulement préserver la biodiversité, mais aussi continuer à explorer des formes d’intelligence encore largement méconnues.
En comprenant mieux comment fonctionne le cerveau d’une seiche, peut-être apprendrons-nous aussi à voir l’intelligence sous un autre angle – plus large, plus humble, et plus connecté à la richesse du vivant.