Rahzel & DJ JS-1@Le Temps Machine

Rahzel@4
©Augustin Legrand

Rahzel n’est pas humain. C’est peut-être un cyborg ou même un être venu d’une autre planète (Biz Markie a l’a bien fait croire dans Men In Black). Son instrument à lui, c’est sa bouche. Et les sons de scratchs, de batteries, de basses ou encore de cuivres qu’il parvient à reproduire ne sont tout simplement pas à la portée du commun des mortels. Sans parler de son flow qui n’a rien à envier à celui d’autres pointures du hip-hop, dont il a largement contribué à dessiner les contours avec son groupe The Roots.  De passage en France pour quelques dates, Rahzel (accompagné par DJ JS-1 du Rock Steady Crew) a déversé ses rythmiques buccales, le temps d’une soirée frénétique, au Temps Machine de Joué-Lès-Tours (37). Verdict : une très grosse claque !

En temps normal, je n’aime pas m’immiscer dans mes articles en utilisant le « je ». Je crois même que, par choix et peut-être par pudeur, je ne l’ai  jusque là jamais fais. Mais lorsque Rahzel, le maître des ultimes supers saïan du monde paranormal du human beat box se met à faire vibrer ses cordes vocales et à donner de sa personne, je me dis que ma propre implication dans mon live report doit être à la hauteur de la sienne. En temps normal aussi, je n’oublie jamais de récupérer la set list, qui aide tout bon reporter dans la retranscription d’un concert. Là, une fois n’est pas coutume, je suis parti la tête pleine de tellement de bons sons que j’en ai totalement oublié ce petit élément. Mais, j’ai bon espoir que cette set list n’existait pas. Du coup, j’écris toutes ces lignes de mémoire, puisque tout est encore frais dans ma tête.

DJ JS-1@1
©Augustin Legrand

Dès les premiers scratchs de DJ JS-1, je sens bien que rien, absolument rien ne sera redondant ou ne trainera en longueur. Les intros des DJ’s pour ce genre de show, je connais. D’habitude, ça dure souvent plus de vingt bonnes minutes, et même si les gars réalisent des prouesses digitales, on finit parfois par s’impatienter. DJ JS-1, lui, n’a eu besoin que de quelques scratchs, pour démontrer l’étendu de son talent. De face, de dos, avec une ou deux mains et même avec les pieds, le mec enchaîne les passepasses, avec une agilité déconcertante. Une agilité dont il se sert donc à bon escient, pour rapidement introduire le maître de cérémonie.

Lorsque je vois Rahzel arriver sur scène, d’un pas un peu lourd, je suis à des années lumières de m’imaginer à quel point ce que je m’apprête à entendre va dépasser mes espérances. Bien sûr, je connais le background du mec, bien que j’avoue suivre plus volontiers (car plus actif) les actualités de son pote Questlove. Question scénographie, c’est dépouillé : un DJ au platine et un MC au micro. Visuellement (et peut-être que les photos s’en ressentent), on ne peut pas faire plus simple. Néanmoins, on ne peut pas faire plus efficace. Dès les premiers beat box du Godfather of Noyze, la salle s’enflamme. Il faut dire que Rahzel a la bonne formule, puisque l’essentiel de son show est basé sur des reprises de titres incontournables empruntés aux répertoires du Wu-Tang, de Gangstar, d’Xzibit ou encore de Tupac et Biggie. J’ai cru un instant que c’était par paresse. Surtout, qu’à ma connaissance, tous ses shows sont construits de la même manière. Ensuite, je me rend compte que je suis tout simplement obligé de m’incliner et de reconnaître qu’entendre une reproduction vocale, aussi juste, de l’instru complète de Bitch Please d’Xzibit ou encore celle plus récente d’Otis de Jay-Z et Kayne West, ça laisse sans voix.

Rahzel@1
©Augustin Legrand

S’agissant du titre Otis, il m’a permis de découvrir un talent de soulman de Rhazel que (personnellement) je ne connaissais pas. D’un coup, il entremêle ses bruitages avec une voix de crooner soul des plus respectables. C’est par ailleurs sans doute ce morceau qui permet au MC d’entrer dans l’un des moments forts de sa prestation, lorsque sans prévenir (sauf si l’on a farfouillé sur le net pour voir ses autres shows), il descend dans la fosse, roses à la main, pour aller au contact de son public. Un public tellement aux anges que même des bad boys, c’est pour dire, réclament d’avoir leur rose. Fier de son art, il restera au milieu de la piste, trônant comme le roi de sa discipline qu’il est. Les sonorités qu’il exécute, en s’appuyant toujours sur cette même architecture (the beat, the bass, the chorus, the verse and the background vocals) sont variées. Du hip-hop un peu crasseux par-ci, pas mal de bonnes vibes old shool aussi, un peu de reggae par là et des boum-bap en rafales. Et même lorsque Rahzel se fait surprendre par l’unique larsen de toute la soirée, il n’est nullement question pour lui de baisser l’intensité des bpm. Un vrai pro !

Rahzel@3
©Augustin Legrand

J’ai donc rarement pris autant de plaisir à aller shooter un concert. Rahzel, malgré son talent, n’est qu’une légende discrète, pas toujours connue à sa juste valeur. C’est peut-être pour ça que le mec est aussi prompt à ne pas tomber dans le « minimum syndical », comme j’ai vu bon nombre de pointures du rap le faire.  Enfin, chose plutôt curieuse, le public et moi-même étions tellement rassasiés que nous n’avons même pas vu la nécessité d’un quelconque rappel. Le spectacle se termine de la même manière qu’il a commencé et qu’il s’est déroulé, soit sur des rythmiques buccales dont seul Rahzel détient le secret.

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