Meet Applause

Applause vient de livrer un live envoûtant sous le chapiteau du Magic Mirror, dans le cadre du Festival Chorus des Hauts-de-Seine, ce 15 mars 2011. Si tes oreilles sont branchées de temps à autre sur la radio qui porte le même nom que la vieille dame qui fait des yaourts, tu as forcément entendu un de leurs singles. Entre Traceability, Closer et Black Sand, Applause a eu la faculté ces dernières années, de composer des morceaux aussi puissants que séduisants.

C’est à leur sortie de scène que j’ai retrouvé Nicolas et David. Applause est un groupe prometteur, qui a bien conscience des enjeux et des difficultés de leur métier, qui garde la tête froide, mais pour qui notre cœur s’emballe.

En live, on a entend des morceaux de l’EP bien sûr. Les autres seront-ils tous sur l’album?

David : Oui, sauf le morceau d’intro, qui est un morceau qu’on a écrit spécialement pour le live, après l’enregistrement de l’album.

Sur l’EP, il y a une unité musicale. On y discerne différentes couleurs, certes. Mais, sur scène, certaines de ces couleurs deviennent prédominantes et c’est surprenant– je pense notamment à la soul, à des sons qui groovent – ; on ne s’attendait pas forcément à ça.
N : Ouaih ! Parce qu’on sait bien qu’Applause c’est la rencontre d’un chanteur français dépressif et de quatre belges complètement taré et le résultat, voilà ce que ça donne ! (Rires)
D : L’EP a été enregistré il y a deux ans, voire plus pour certains morceaux comme Lighthouse qui date de 2008, voire 2007. Donc, c’est assez vieux déjà. Ce changement, c’est le résultat d’un travail. C’est délibéré. Depuis l’enregistrement de l’EP on a évolué. J’aime beaucoup l’EP ! C’est un très beau « premier objet musical » et j’en suis fier. Mais après, je pense qu’il est un peu monochromatique et le travail qu’on a fait sur l’album, et en live aussi d’ailleurs, c’est de s’ouvrir et de montrer d’autres choses : des énergies et des couleurs différentes, des choses plus énergiques, plus pop ou plus rock, en fonction des émotions qu’on ressent.

Est-ce que ça veut dire que l’album est une palette de couleurs et de sonorités différentes ?
D : je pense que ça va dans cette direction, oui. On a voulu se faire plaisir et on a voulu faire beaucoup de choses. La cohérence, c’est important et chaque chanson, c’est vraiment nous, c’est vraiment Nico, c’est réellement Applause. Il n’y a aucune chanson dont je me sens moins proche. Mais, on est allé dans des directions et des couleurs différentes.
N : Après, définir ce qui fait la cohérence, c’est difficile. La voix crée peut-être le lien, mais il y a des choses très éclectiques.

Les morceaux étaient-ils tous écrits avant d’entrer en studio ?
D : il y en a qui ont été composés à la dernière minute. Il y avait des morceaux dont on ne savait pas non plus trop quoi faire…
N : Puis les morceaux ont évolué au fil des concerts. J’me souviens aussi avoir écrit des paroles comme ça, un jour, au petit-déj’…
Justement tu parles de paroles jetées comme ça sur un bout de papier au petit-déj… Quel est votre processus de création ?
D : Il n’y a pas de règle et il n’y a pas une manière de faire. Un membre du groupe peut arriver avec une forme relativement aboutie ou avec une envie, une idée… Oui, parfois ça peut partir d’une idée. A partir de là, on va dire : « Tiens ! Ca c’est bien, ton truc ». Puis, il y en a un qui ajoute un truc et hop ! Ca se construit comme ça, petit à petit. Ca prend un peu plus de temps mais ça devient un vrai morceau. On fait une musique collective. Il y a des rôles, mais pas de leader. C’est une vraie démocratie.
On peut dire alors que vous faites une musique instinctive, intuitive ?
N : On essaye de rester au plus prêt de l’intuition. De rester limite le plus prêt de l’improvisation. On a deux trois morceaux de studio, comme ça, où on garde, à la fin, une page blanche pour le live, pour qu’on puisse y apposer quelque chose de spectaculaire, dans le sens où on se laisse le droit de prendre des risques, d’aller à l’accident, en live. L’accident c’est super !… Parfois c’est plus malheureux. (sourires) Mais quand il y a ce saut dans le vide, il y a communication entre nous, musiciens, et avec le public. On essaye de rester au plus proche d’un truc en mouvement… Tu t’inspires de l’ambiance, de la salle, du public, pour transmettre quelque chose.
Votre façon d’aborder la musique est donc très personnelle, émotionnelle.
N : Oui tout à fait ! Parce que c’est de ça dont on se souvient.
D : Je ne peux même pas envisager de faire de la musique autrement ! Parce que c’est ça qu’on entend, derrière les mélodies, derrière la rythmique, les compo, etc. Et même sur un disque ! Je l’ai appris au fil du temps : le plaisir que tu prends quand tu enregistres, en studio, ça s’entend ! C’est un jeu, quelque part. Et il est important de garder cette notion de jeu. Et ce jeu, il peut être drôle, il peut être triste mais, il faut toujours qu’il y ait cette intensité émotionnelle.

Dans un processus de création, c’est quoi la tactique ? On s’isole ou on écoute tout ce qui se fait ?
D : J’essaye d’écouter ce qui se fait, pas mal…
N : Moi, j’y arrive pas (rires)
D : Après j’suis fort perméable, aussi. Chaque fois que j’entends un truc qui m’plait, j’ me dis : « Ah ! C’est bien… Ils ont de la chance d’avoir trouvé cette idée là ! J’aurais bien aimé la trouver, moi… » (rires) Après tu te demandes si tu essayes de faire un truc qui ressemble un peu, genre vite fait… Et puis non, évidemment ! Ou bien même si tu veux faire un truc qui ressemble, tu fais un truc qui finalement, au bout du compte, n’y ressemble pas du tout et ça devient un truc à toi.
Du coup, qu’est ce que je trouve dans vos baladeurs, si je vais y fouiller ?
N : Little Dragon !
D : Y a le dernier Elbow qui je viens de découvrir. Il est très bon. Le dernier Gorillaz que j’ai écouté en boucle… Après, on écoute tout.
N : Le dernier single de David Lynch, I know ; c’est sublime.

A propos du live, comment est-ce que vous choisissez les morceaux ? Dès que vous le composez vous savez que le morceau a un potentiel pour la scène ? Et, c’est pareil pour définir si un morceau à sa place sur un album ?
D : En fait, c’est un chemin. Par exemple, pour le disque, on a une série de morceaux qui ont tous leur chance, même s’il y en a qui se distinguent assez tôt. Il y a des morceaux qu’on sent forts, et on sait qu’ils auront leur place sur l’album. Il y en a d’autres dont on ne soupçonne pas tout de suite le potentiel. Ils vont se révéler au dernier moment et occuper une place importante sur le disque. Pour le live, c’est pareil. Je pense à nouveau à ce morceau d’intro dont on parlait, tout à l’heure. C’est un truc qui est passé un peu inaperçu, au départ. C’est parti d’une boucle électro qu’a faite Jérémie, le batteur, et sur lequel Manu (notre guitariste), a ajouté un truc. Puis Nico, un jour m’a fait écouter un chant qu’il avait trouvé là-dessus, et ça s’est fait, petit à petit. C’est devenu un vrai morceau et ça se prête bien à la musique qu’on fait.

Quand on vous voit sur scène, on vit une sorte de catharsis. (David fait une tête étonnée). C’est peut-être complètement incongru ce que j’dis là mais,… Vous commencez à jouer, vous nous préparez doucement à l’entrée de Nicolas. Il entre en scène, comme un messager qui, par un processus de personnification, nous traduit votre musique et les émotions qu’elle véhicule en paroles. A sa sortie de scène, ça s’éteint doucement, en musique…
D : ça, c’est l’idée importante pour nous de construire un concert, avec un vrai début et une vraie fin. Et, ce n’est pas facile, en fait. On n’a pas fait des tonnes de concert. On a fait « quelques » dates et c’est une des choses sur lesquelles on a beaucoup réfléchi – sur laquelle on s’est déjà bien planté aussi, d’ailleurs. Le choix, l’ordre des morceaux, comment amener telle chose, qu’est ce qu’on a envie de dire… Le fait d’avoir trouvé ce morceau d’intro et ce morceau de fin, ça installe un truc.
N : on n’était pas sûr du reste mais, quand tu fais un show, on le sait : il faut soigner l’entrée et soigner la sortie. Ce qui se passe entre, on ne sait jamais. Par rapport à la personnification de la musique, l’idée que tu soulèves est intéressante, parce que j’ai compris, il n’y a pas si longtemps, quelque chose. Il y a un état dans lequel tu dois te mettre pour dépasser la simple interprétation et arriver à « toucher » quelque chose en toi, quelque chose de vraiment intime. J’essaye de me fondre dans le son. Et pour ça, on passe beaucoup de temps en balance, pour trouver un beau son, un truc un peu englobant, pour être bien et se libérer. Il y a comme une absorption des émotions et une restitution.
Oui, c’est le principe même de la catharsis. Et on le sent profondément dans ton interprétation, Nicolas. Tu vas toucher des choses essentielles en toi. Tu n’as pas peur d’aller à la recherche de tes émotions. On sent cette grande liberté et un manque de pudeur magnifique. Ce n’est pas toujours évident de le tenir sur un concert entier…
N : parfois tu es un peu seul en effet. (sourires)
D : L’important dans la musique, c’est justement ça, aussi : dépasser les pudeurs et se livrer un peu, se mettre à poil. On s’oublie et c’est là que ça devient bon, quand on s’oublie et qu’on se livre.
En tout cas, sur scène c’est flagrant, votre abandon est total.

La rencontre avec Nico a eu lieu en 2006. Est-ce que c’est la Rencontre que tu attendais ? (Ils éclatent de rire) Je veux dire, est-ce que le projet avait déjà germé dans ta tête, David, ou est-ce que cette rencontre en a été l’initiatrice ?
D : Applause est la résultante de cette rencontre. On avait envie d’aller dans cette direction, avec les musiciens avec qui je travaille depuis… Depuis un paquet d’années déjà ! – et de trouver un chanteur qui nous corresponde. Il y a eu la rencontre avec Nico… Ca a été une évidence. Mais c’est un chemin de trouver son style, de définir ce qu’est Applause. On ne peut pas dire maintenant Applause c’est ça.
N : on n’en est qu’au début.
Vous continuez à composer ?
D : il ne faut jamais s’arrêter ! Là, c’est vrai, on avait beaucoup crée. On voulait se reposer mais, l’envie revient. On en discutait hier avec le guitariste. On a envie déjà de faire du nouveau en fait, de recommencer à écrire.
N : j’ai vidé mon disque dur… (sourires)
D : je pense qu’on va s’y remettre.
Quand on se projette, est-ce qu’il y a des collaborations qu’on aimerait voir se produire ? Je pense à la production notamment, mais pas que…
N : en tant que groupe c’est plus difficile…
D : Au niveau de la scène et de l’image, oui. Je n’ai pas envie de me cantonner spécialement à la musique quand on parle de collaboration, même s’il y a des tas de gens qu’on adore et avec qui on rêverait de travailler.
N : Ouais ! Il y a l’opportunité de développer quelque chose visuellement. Mais on est très exigent, on a envie que ce soit bien, alors pour le moment on prend le temps. Après quand on parle de collaboration, on a des idées qui nous viennent mais plus vers les arts visuels, des performers, des trucs qui nous enrichissent et qui enrichissent mutuellement.
D : On est ouvert à plein de chose, après il faut procéder par étape. On est au début de quelque chose. On va se concentrer sur la sortie du disque et on va faire des concerts qui tiennent la route, où on se sent bien. Puis tu sais, petit à petit les choses se font. Les rencontres sont font naturellement. Tu accroches et voilà !
N : par rapport à la production, on a déjà trouvé notre pote quoi, un mec qui s’appelle Daniel Presley qui a produit notre album. C’était assez génial de bosser avec lui, en fait. On en garde un souvenir incroyable. Il a apporté un regard extérieur. On avait besoin de ça justement pour créer une catharsis, comme tu disais tout à l’heure. Il est arrivé avec l’envie de créer des chansons, mais aussi avec beaucoup d’humour. On ne se prenait pas au sérieux, pourtant ça aurait été facile de se prendre au sérieux. On était dans un super studio dans le Sud de la France. Mais on ne s’est pas reposé pour autant.
Il a apporté une distance salvatrice
N : Oui, c’est justement ça.
Quand le public vient vous voir, aujourd’hui, il vous découvre ou il connaît déjà un peu ? Parce qu’en France, il y a une évidence : n’importe quel auditeur de Nova, vous connaît déjà ! (sourires)
D : la plupart des gens nous découvre. Il y a des gens qui nous ont entendu à la radio. On a peu joué en France, en live. Les gens qui nous ont entendu à la radio ont envie de nous découvrir en live et ça c’est vraiment chouette parce qu’on le sent vraiment.
N : Grâce aux réseaux sociaux, sur internet, on voit quand même qu’il y a des gens qui nous suivent, qui sont là.
Ca fait du bien ?
N : Bien sur que ça fait du bien.
D : C’est encourageant.
Oui, parce que j’imagine qu’il y a parfois des moments de doute. Et dans ces moments-là, on se raccroche à quoi ?
D : Au collectif. Ca n’a pas été facile. Il y en a eu des moments de doute, je te le cache pas. Comme dit Nico, il y a eu des moments de solitude où on n’avait pas un appel, rien ! Et c’est pas évident de continuer à y croire. Mais on est ensemble, on joue et il se passe quelque chose. Le fait d’être un groupe ça aide.
N : On se raccroche aux chansons, aussi. On a fait partir un truc en 2006 et quand je réécoute les chansons, je me dis : « Waouh ! Tu ne peux pas laisser tomber ça ! »

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