Loonie Liston Smith – Cosmic Funk & Spiritual Sounds

Cette ultime livraison de Loonie Liston Smith est sans doute la petite pépite jazz/soul/funk passée un peu inaperçue de la rentrée. Loin du easy-listening aujourd’hui de rigueur, il faut peut-être s’y prendre à plusieurs reprises pour réussir à vraiment décrypter et apprécier ce petit bijou d’orchestration. Ne pas donner toutes les clefs d’emblée, c’est de toute façon la marque de fabrique de cet artiste qui, non content d’avoir accompagné Miles Davis, influencé Quincy Jones et laissé quelques samples aux bons soins de Jay-Z, a su, même arrivé en 2012, garder son univers parfaitement intact. Un univers tantôt féérique et reposant, tantôt criard et déroutant. Le tout, pour un album qui aurait pu être la parfaite B.O d’un film divisé en quinze superbes chapitres.

Imaginez-vous dans les années 60, héros d’un bon (car beaucoup sont très mauvais) film de la blaxploitation et tout deviendra plus clair. Avec ses accords de guitare psychédéliques, très vite rattrapées par ceux d’une flûte virevoltante, Expansions (petit clin d’œil à l’un de ces précédents opus du même nom) colle parfaitement au générique. Les balles auraient beau siffler, cela n’empêcheraient pas la voix de monsieur Smith de s’engouffrer littéralement dans quelques volutes de notes bien choisies, histoire de s’éclairer les cordes vocales.
Nerveux, les cuivres choisissent quant à eux le second titre, A Chance For Peace, pour rentrer dans la partie. Ils s’immiscer dans le jeu déjà bien complet et complexe de l’artiste. Introduit par une ligne de basse groovante à souhait et indissociable tout le long des frappes de batteries, la plage insiste cette fois largement sur des shuffle ingénieux, porté par une voix rocailleuse et électrisante. Ces derniers sont servis sur un tapis instrumental porté par un clavier plutôt discret, ce qui ne l’empêche en rien de se faire respecter. Le décor est planté !
On sent encore le petit grain de génie, et ce, dès le troisième chapitre ; Beautiful Woman. Gil Scott-Heron, dont on reconnait ici certaines influences, tant dans les élucubrations vocales que dans la garniture instrumentale, serait fier de partager cet instant de détente feutrée. Idéal pour se servir un bon Martini tout en parlant affaire, par exemple.
Sauf que, et c’est là qu’on se dit que «les jeux sont fais, rien ne va plus ! ». Les titres Shadows, Sunbeams ou Astral Traveling sont des suites d’instrumentaux, certes agréablement foutraques et désordonnées, mais qui finalement apparaissent, dans un premier temps, curieusement monocordes. Et ce sont ces titres en particulier qu’il faut réécouter plusieurs fois, pour en saisir toutes les subtilités sonores et tout le luxe du détail. En les réécoutant, l’on réalise heureusement à quel point chaque note est bien placée, pleine de sens et d’imagination. Le chef d’orchestre y dispose une palette d’instruments, de sonorités parfois difficiles à identifier. Si bien qu’au bout d’un certain temps, l’on se dit que la simple rêverie vaut mieux qu’une sévère gueule de bois.
Puis, Lonnie, en véritable porte-flingue, redevient hardant, mordant, rugissant. Et il vise juste. Fini la méditation. On ne se pose plus la moindre question. Ça sent l’explosion du champ des possibles. Léchés, limpides, équilibrés et inspirés, les titres Vision Of New World ou Cosmic Funk notamment, accompagnent l’auditeur jusqu’à la fin de sa quête, soit le titre bien justement nommé In Search Of Truth. Un élégant mariage de harpes, de trompettes ou de piano et qui conclue parfaitement cette odyssée des harmoniques.

Une bande son aventureuse donc, et à expérimenter jusqu’à son clap de fin. Tantôt tapageuse et virile, tantôt portée vers l’introspection et le cérébral. Le compromis est juste et idéal. Parce ce que certains artistes sont comme ça : ils ne plaisantent pas avec le plaisir !


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