Hefner c’est un peu un groupe de ratés. Six ans de carrière et quatre albums pour qu’au final, personne ne s’en souvienne vraiment.
Je ne sais pas exactement ce qu’il en était dans les années 90 puisque j’étais plus occupée à me réjouir de la sortie du dernier L5 (on a tous un passé dark bande de haters), mais en l’an 2011, on adore les ratés.
Darren Hayman a une voix bizarre et une tête de croc-mort. Ce n’est probablement pas quelqu’un de très intéressant puisque ce qu’on retient vraiment de sa mini page wikipédia, c’est qu’il s’est fait casser la gueule à Nottingham en 2009 et que son chien s’appelle Beulah. Accessoirement, qu’il a été découvert par John Peel.
Cependant, Hefner n’est pas plus mauvais qu’un bon Blur, Pulp ou The La’s. Formés en 1995 alors qu’Oasis est au sommet des charts anglais, Hefner tâtonne gentiment la guitare dans le comté d’Essex et se décident à sortir leur premier album « Breaking God’s Heart » en 1998. On retiendra entre autre ‘Love will destroy us in the end‘, un morceau moyennement optimiste sur un air entrainant et gai. Une combinaison qui deviendra très vite la signature stylistique du groupe, notamment sur « The Fidelity Wars« , leur deuxième et meilleur album.
Hefner est un groupe anglais et par conséquent, ils parlent de la vie anglaise : de cigarettes (‘The hymn for the cigarette‘), d’alcool (‘The hymn for the alcohol‘), d’amour (« How can she love me when she doesn’t even love the cinema that I love« …) et se posent quelques autres questions existentielles d’ordre quotidien; « This is London, not Antarctica, so why don’t the tubes run all night? »… C’est dans ce deuxième album que s’exprime le talent de l’obscur Hayman, auteur de petites perles comme ‘I took her love for granted‘, ‘I love only you‘ ou ‘I stole a bride‘. Si l’on doute parfois sur la voix du couplet de ‘we were meant to be‘, on se console bien vite sur une rythmique irrésistible et des refrains indie qui s’envolent directement dans votre hémisphère gauche.
[audio:http://ziknation.com/wp-content/uploads/2011/09/04-I-Took-Her-Love-For-Granted1.mp3|titles=04 – I Took Her Love For Granted]
On ne pourra s’empêcher d’admirer le style direct du parolier qu’est Darren Hayman, bien que sceptique sur ‘Fat Kelly’s teeth‘ qui parle littéralement d’un mec qui se concentre sur « the gap between kelly’s teeth » pour se motiver à culbuter une grosse. Je n’invente rien, « She’s not nearly so pretty, but if I drink more gin, her grace might return« . Classe.
Et il y a ‘Don’t flake out on me‘, un duo avec une fille dont je n’ai jamais retrouvé aucune trace, une ballade plutôt pessimiste sur deux amis qui ne se rappelleront en fait jamais et qui finissent par se demander l’utilité de s’envoyer en l’air. Hefner est un groupe qui n’a pas peur des mots.
Avec « We love the city« , Hefner nous offre ‘good fruit‘ et le frontman confirme son obsession pour la laideur avec ‘the greedy ugly people‘. Ce troisième album forme avec « The Fidelity wars » ce qui pourrait être le patrimoine musical d’Hefner, le testament lyrique de Darren Hayman. En vous consolant de ne pas pouvoir vous vanter de l’avoir dans votre collec’, écoutez la déclaration d’amour de Hefner à Londres ;
Finalement Hefner se séparera en 2002, après avoir rendu une dernière fois hommage à John Peel. En 2005, vous auriez pu porter fièrement un teeshirt annoncant, « Hefner, Britain’s Largest Small Band (1997-2002) ». Dommage.
Darren Hayman, toujours affublé de son look d’employé de bureau, sévit désormais en solo avec The Secondary modern. Il faudrait finir en écoutant un des derniers morceaux du groupe, ‘half a life’. Ce qu’a eu, finalement, Hefner ; une demi vie.