Au premier regard, on croirait une scène tout droit sortie d’un livre de contes : un gavial immense, glissant silencieusement sur une eau sacrée, avec une centaine de petits glandouillant sur son dos. Et pourtant, c’est bien la réalité révélée par le photographe Dhritiman Mukherjee, qui nous plonge au cœur de l’écosystème unique du fleuve Gange.
Un spectacle rare dans une rivière sacrée
Le Gange, fleuve mythique et pilier de la biodiversité indienne, abrite le gavial du Gange, l’espèce menacée la plus impressionnante des crocodiliens. Durant plusieurs semaines, Mukherjee s’est fondu dans le paysage, patientant à l’aube pour saisir ce moment singulier. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), il ne resterait plus qu’environ 650 adultes dans la nature, dont près de 500 le long du fleuve Chambal, principal sanctuaire de l’espèce.
Le rôle paternel dans la société des gavials
Contrairement aux crocodiles classiques, les gavials possèdent un long museau fin, inadapté pour porter les petits dans la gueule. Ils ont donc développé une fantastique méthode de parentalité : les juvéniles se blottissent sur le dos du père, à l’abri des courants et des prédateurs. J’ai moi-même été témoin, lors d’une mission en Camargue, de la prudence parentale des caïmans d’Amérique, mais rien n’égale cette scène d’Inde : un véritable hymne à la résilience et à l’instinct de protection.
Capturer l’âme du fleuve
Ce cliché exceptionnel ne se limite pas à un exploit visuel ; il symbolise aussi la lutte quotidienne pour la survie d’une espèce menacée. Sélectionnée parmi les 100 finalistes du prestigieux concours Wildlife Photographer of the Year et primée par le Natural History Museum de Londres, cette image témoigne de la technique irréprochable de Mukherjee : distance respectueuse, écoute du milieu et parfaite maîtrise de la lumière.
Elle nous rappelle combien chaque printemps de reproduction compte pour la pérennité des gavials et combien le travail des sanctuaires et des ONG locales, comme la Gharial Conservation Alliance, est crucial.
Plus qu’une prouesse photographique, cette scène invite à prendre conscience de notre rôle dans la préservation des milieux fragiles. À l’instar de ce gavial paternel offrant un transport de fortune à sa progéniture, nous sommes tous appelés à porter, à notre manière, le poids de la conservation.