Moriarty feat Christine Salem @ l’Espace Ligéria de Montlouis (37)

A quelques jours de la fin du monde prévue par le calendrier Maya, rien de tel qu’un concert de Moriarty pour trouver du réconfort. Ceux qui ont eu la bonne idée de venir voir jouer le groupe à l’Espace Ligéria de Montlouis (37) ce jeudi 13 décembre ne s’y sont pas trompés. Une débauche d’instruments, d’amusements et de voix toutes aussi exaltantes qu’exaltées, au cœur desquelles est invitée, pour quelques dates exceptionnelles, la chanteuse réunionnaise Christine Salem, l’une des plus belles voix féminines (peut-être aussi parce qu’elles sont trop rares) du maloya.

©Augustin Legrand

L’univers de la « famille  » Moriarty est comparable à celui du magicien d’Oz, à ceci près que leurs vœux ont déjà été exhaussés.  Pas de lion peureux ni de robot en quête d’un cœur à l’horizon. Dorothy alias Rosemary Standley alias Rosemary Moriarty peut compter sur l’énergie, la fougue et les sourires contagieux de ses compagnons de route.  Elle, est pince-sans-rire (elle sourira à pleine bouche en fin de concert). Ce qui ne l’empêche pas, par quelques mots bien sentis, de réussir à provoquer l’hilarité d’un public conquis. Elle, peut aussi compter sur Christine Salem, personnage encore énigmatique, mais dont la musique est déjà aussi affirmée qu’ haute en couleur.

Christine Salem ©Augustin Legrand

Sur la scène, près d’une vingtaine d’instruments sont étalés. Un joli dispositif que Rosemary et ses amis peuvent utiliser à loisir. Car, on ne peut parler de Moriarty en ne se focalisant que sur la voix (un pur régal) de sa chanteuse. Vincent Talpaert (notamment) à la batterie,  Charles Carmignac (notamment) à la guitare et au xylophone,  Arthur B. Gillette (notamment)  à la guitare et au piano, Stephan Zimmerli (notamment) à la basse et à la contrebasse, sans oublier  Thomas Puéchavy et ses différents harmonicas (et sa guimbarde) sortis de sa ceinture magique, tous font vivre avec plaisir et spontanéité ce tableau qu’on imagine difficilement plus effervescent. L’association avec Christine Salem, accompagné par ses deux percussionnistes chevronnés, ajoute une note encore plus festive et colorée au décor planté par le sextet. Les titres s’enchaînent et les contours des deux identités visuelles et musicales s’accentuent, pour finalement réussir à se mélanger parfaitement.

©Augustin Legrand

C’est par un petit duo a capella, en créole, entre les deux chanteuses, intitulé Lespwar, que débute le concert. La rencontre des deux univers permettant aux uns d’intervenir sur les compositions respectives des autres.  En créole donc, et pour l’instant en douceur. Car, peu à peu, le ton de Christine Salem monte. Celle-ci dégage tout au long de sa prestation quelque chose d’engagé. De savamment enragé même. Piquante, intense voire brûlante, Christine Salem ne peut laisser indifférent. Ce qui frappe, c’est la justesse de sa voix rocailleuse ainsi que sa gravité. Ce qui frappe aussi, c’est la dureté de son regard qu’elle parvient à faire coexister avec un plaisir scénique des plus communicatifs. C’est grâce à cette maitrise du regard, de la voix, de la verve et du plaisir que la chanteuse n’a aucune difficulté à capter toute l’attention de l’auditoire. Celui-ci se laisse facilement porter par les rythmiques de titres tels que Yelo ou Mikonepa, extraits de son dernier album « Salem Tradition », dont la sortie est prévue en France en janvier prochain.

©Augustin Legrand

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Les titres s’enchaînent donc, et les partitions s’entremêlent. Le catalogue déjà bien juteux de Moriarty est, rappelons-le, tout aussi ambivalent. Des textes aux lignes souvent dramatiques portés par une orchestration chaleureuse et rieuse. C’est là toute la subtilité du répertoire que distille Rosemary et ses comparses. Ecouter Moriarty, c’est comme lire un bon livre noir ou voir un bon road movie. Les tenues de scène (chapeaux et pantalons à bretelles…), l’ensemble du jeu des artistes et les chansons folk déchirantes, parfois country et ce filet de blues généreux rappelle d’ailleurs un tantinet l’atmosphère des cabarets d’antan. Chaque titre apporte une sensation bien précise et souvent en contradiction avec la précédente. Tandis que Beasty Jane, par exemple, évoque une bonne ballade bucolique, des titres plus étouffés comme Isabella évoque une légère impression d’enfermement. Un enfermement dont se sort facilement le groupe grâce à des titres plus enjoués tels que Whiteman. Un show généreux, porté par la voix écorchée et âprement délicieuse de Christine Salem et la voix de velours de Rosemary Standley.   

©Augustin Legrand
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Et la générosité de ce grand défouloir est multiple. Entre les membres de Moriarty d’abord, entre Moriarty et Christine Salem (et ses percussionnistes) ensuite et entre toute cette grande famille recomposée et le public, enfin. Un rappel comme le veut la tradition. Suffisant pour terminer le spectacle en apothéose. Et pourtant, un second n’aurait pas été de trop. Bref, de quoi affronter autant la fin du monde que l’éternité avec un jolie goût de sérénité !