Le concept Fauve

Le concept Fauve

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FAUVE, ce nom piqué à un film, un mouvement artistique, une idée empruntée aux community managers du XXIe siècle, autrement intronisé sous le nom de Fauve Corp, est un concept, un collectif, « lié par une conception partagée de la Vie et des Gens ». Si, si, c’est bien avec ces six chansons que vos amis inondent votre Facebook depuis deux mois, à coup de statuts  » <3 jt’ai dans la peau, jt’ai dans la tête, tu peux pas tu peux pas t’en aller comme ça <3  » et de clips dans la nature. Oublions direct l’image soi-disant indie, à contre-courant de la méchante industrie vénale: FAUVE vend déjà des tote bags à leur effigie.

Voyons voir. Cinq mecs, parisiens, des visuels qu’on a vu mille fois, des paroles trashounettes pour un message « désespérément optimiste ». Paris s’ennuie, Paris est cynique, cher, gris, les gens sont méchants, mais Fauve est là pour te redonner espoir en « le putain de grand Amour ». La vie est trop compliquée et FAUVE te parle à toi, assis dans le métro, parisien forcément dépressif que tu es, et cette voix de pré-pubère qui ne rap pas, ne chante pas, est censée te parler, réveiller en toi ces angoisses existentielles dont tu ne te savais pas atteint. Pas vraiment parfait pour l’été.

Prenons The XX pour l’instru, en moins bien, prenons le Klub des loosers pour les paroles, en moins drôle,  Tame Impala pour le visuel, en moins colorés, Stromaé pour le cynisme, en moins belge, The Horrors pour la hype inexpliquée. Fauve est avant tout, j’imagine, une bonne idée de la nuit, mais toutes les bonnes idées sont-elles toujours bonnes au réveil ? La spontanéité, c’est bien, le talent, c’est mieux.
On leur attribue des vertus cathartiques, hypnotiques, salvatrices, thérapeutiques – bon dieu mais allez à la plage !

Le refrain de ‘Kané‘ est appréciable, celui de ‘Cock music smart music‘ est même sympa, mais pourquoi gober ce sens du rythme bancal, ces métaphores foireuses, ces piètres insertions de dialogues inutiles, cette voix insipide, au nom du contre-pied stylistique ? Technique de défense préférée des adeptes, que dire de cet argument de l’originalité ? Les gars, ZAZ aussi c’était original quand c’est sorti. La robe de viande de Lady Gaga, c’était original. La bombe atomique en 1945, c’était original. Pas pour autant des bonnes idées.

Nuit fauves‘, comme ‘Blizzard‘, ‘Haut les coeurs‘, ‘Saint Anne‘, laissent un goût amer, une impression de fausse route, de révolte fade, de révolution avortée. Pas la peine d’aborder la nouveauté du « tu », les Beatles s’en servaient déjà en 1963. Alors l’évolution des codes musicaux, c’était pour ça ? Les paroles ne sont pas absurdes, elles ne sont pas choquantes, ni poétiques, ni lyriques, ni littéraires, ni musicales: elles sont normales. Sortez dans la rue, vous entendrez la même chose. La musique ne donne pas envie de danser, à peine de taper du pied (petit mieux pour ‘Haut les coeurs‘), ne donne pas envie de pleurer, ou de courir ou de sortir. Alors on fait quoi ? On écoute FAUVE dans le noir.

Ne crions pas au génie. Il n’y a rien à voir de plus dans FAUVE qu’un projet d’amis, légèrement déprimés par leurs boulots de cadres, ennuyés par les after work parisiens, récupérés par Les Inrocks pour l’amour du scoop. (On parie combien qu’on les retrouve au prochain festival des Inrocks ?)

Pas forcément de quoi débattre sur les réseaux sociaux pendant mille ans, pas de quoi s’engueuler avec vos potes à l’apéro parce qu’ils trouvent ‘Blizzard‘ « magique », pas de quoi casser trois pattes à un canard parce qu’un mec a décidé de chanter mal pour changer. Désolée mais depuis Billy Bragg, personne n’a plus le droit de chanter aussi mal.

3 comments

  1. thomas says:

    Au moins FAUVE aura servi à des (pseudo)chroniqueurs comme l’auteur de cet article à étaler leur culture musicale…

  2. Gnemmi says:

    Pour moi Fauve me fait rêver, ils me donnent des envies de l’espoir et de partir loin.. Lire qu’ils ne savent pas chanter ça me fait mal au yeux. C’est le meilleur groupe depuis un moment. Leur parole moi j’adhère et j’adore et ce des paroles qu’on entend des mots qu’on a déjà apprivoisée qu’ils nous donnent et je trouve ça génial de faire de ces mots si simple quelque chose de si profond.

  3. Greg says:

    Notre petite chroniqueuse à raison sur tout la ligne…

    Effectivement, FAUVE c’est sympa.

    Un peu comme une fin de nuit où l’on aurait attendu que rien ne se passe. A Bastille peut-être, où plus sûrement vers un troquet en bordure du périph’, la rage au ventre et se sentant (presque) l’audace d’aller faire un tour en banlieue pour se faire peur et se sentir vivant.

    L’instru prise seule, l’affaire FAUVE eut été écoutable.
    Mais le message passe mal.
    Car le message sonne en creux. Les bonhommes sont vides.
    Ce n’est que du nombrilisme balancé à la face de narcisses désoeuvrés (voyez comme il est simple d’accoler des mots, des images).

    Ce n’est que pathétiquement parisien: jeune et gavé de pseudo-culture. Ils n’ont même pas compris le charme capital, seulement son orgueil.
    Et ça a plus de gueule que d’effet.

    FAUVE c’est du Sébastien Patoche, sans l’humour mais tout aussi fumeux.

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